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Loi ASAP : acheteurs, simplifiez et accélérez… Si ce n’est déjà fait !

Dans la continuité d’une série de réformes destinées à simplifier les rapports entre les administrations et leurs usagers un nouveau texte a été publié au JO il y a peu.

Entrée en vigueur ce 9 décembre 2020 pour l’essentiel de ses dispositions [1], la loi d’Accélération et de Simplification de l’Action Publique (ASAP) se présente comme une aubaine pour les administrations et les entreprises. Plusieurs mesures visent particulièrement le droit de la commande publique qui est donc de nouveau réformé, vraisemblablement (?) [2] pour la dernière fois en 2020.

La nouveauté la plus manifeste est l’inscription dans le Code d’un régime original en cas de "circonstances exceptionnelles" concernant tout à la fois les marchés publics et les concessions à l’article 132 de la loi ASAP. Sur le fond, on retrouve ainsi plusieurs mesures qui avait été mises en place au printemps 2020 liées tout à la fois à la passation et à l’exécution d’un contrat.

En particulier sont codifiées des mesures telles que les facilités de délais pour le dépôt au cours d’une mise en concurrence (Art. L. 2711-3 CCP), la prolongation par avenant d’un contrat arrivant à terme pendant les "circonstances exceptionnelles" (Art. L. 2711-5 du CCP) ou encore l’assouplissement du régime du sanction et les modalités des marchés de substitution (Art. L. 2711-8 du CCP).

Le plus complexe paraît résider dans les conditions de déclenchement d’un tel régime que le législateur a cru bon de détailler. En effet, la liberté n’est pas laissée aux acheteurs souhaitant caractériser par eux même la survenance des dites circonstances exceptionnelles. L’article L. 2711-1 codifié dispose qu’un décret peut prévoir l’application de tout ou partie de ces mesures dès lors que des prérogatives prévues par la loi sont mise en œuvre pour reconnaitre l’existence de circonstances exceptionnelles.

Le décret en question entre en vigueur pour une période de 24 mois maximum au-delà de laquelle il reviendra au législateur de décider de la prorogation. On retrouve donc dans le Code de la commande publique un système tel que celui mis en place avec l’état d’urgence sanitaire mais élargi à tous types de "circonstances exceptionnelles" identifiées comme telles par le législateur uniquement.

Les tensions

Par ailleurs, les dispositions relatives aux marchés passés sans publicité ni mise en concurrence ont suscité de vives tensions dans l’actualité juridique.

L’article 131 de la loi ASAP modifie l’article L. 2122-1 du Code de la commande publique pour ajouter la possibilité de justifier la passation d’un marché sans publicité ni mise en concurrence par un motif d’intérêt général.

A l’occasion de son contrôle, le Conseil constitutionnel a pu rappeler que ces dispositions s’insèrent dans le cadre plus large de l’article précité renvoyant "au pouvoir réglementaire la détermination des motifs d'intérêt général susceptibles de justifier, compte tenu des circonstances de l'espèce, de déroger aux règles de publicité et de mise en concurrence préalables.

Il a précisé que ces dérogations ne sauraient s'appliquer que dans le cas où, en raison notamment de l'existence d'une première procédure infructueuse, d'une urgence particulière, de son objet ou de sa valeur estimée, le recours à ces règles serait manifestement contraire à de tels motifs". [3]

En outre, dans la continuité d’un mouvement d’éclatement des différents seuils existants, l’article 142 de la loi ASAP ouvre la possibilité de conclure des marchés de travaux sans publicité ni mise en concurrence ayant une valeur inférieure ou égale à 100 000 € HT. Le recours à cette disposition par les acheteurs n’est possible que jusqu’en décembre 2022.

De plus, un lot d’une valeur de 100 000 € HT peut profiter de cette facilité sous réserve qu’il ne représente pas plus de 20% de la valeur totale estimée de l’ensemble des lots. Le reste des seuils rappelé dans un précédent article demeure en l’état… pour le moment.

L’insertion est également visée par ce mouvement de "simplification" puisque la réservation d’un marché qui devait, pour une mise en concurrence, bénéficier aux ESAT ou aux SIAE peut désormais au cours d’une même procédure bénéficier à ces deux catégories de structures.

Enfin, soulignons qu’un article L. 2152-9 est introduit visant à encourager le recours à des PME et artisans dans les marchés globaux. En effet, il dispose que l’acheteur "tient compte" dans les critères d’attribution de la part qui doit être confiée par le soumissionnaire à des PME ou à des artisans. Dans la même dynamique, une nouvelle section est créée détaillant les mesures en faveur des PME aux article L. 2171-8 et suivant du Code de la commande publique.

[1] LOI n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique, JORF n°0296 du 8 décembre 2020, voir article 148 pour les mesures dont l’entrée en vigueur est différée dans le temps.

[2] Mis de côté, les éventuelles dispositions règlementaires nécessaire à la mise en œuvre du texte.

[3] Cons. Constit., décision n°2020-807 DC, 3 décembre 2020, Loi d’Accélération et de Simplification de l’Action Publique, cons. 43, en ligne.