Témoignage de Marianne Cuoq, chargée de mission à l'ANRU
Chargée de mission Développement Economique, Emploi et Insertion à l'Agence Nationale de Rénovation Urbaine (ANRU), Marianne Cuoq présente ses missions.
Pourriez-vous nous présenter l’ANRU en quelques mots et votre mission ?
L’ANRU est un établissement public créée en 2003 afin de constituer un guichet unique pour les financements dédiés à la rénovation des quartiers de la géographie prioritaire (Quartiers politiques de la ville ou QPV)1. L’agence pilote la mise en œuvre des programmes nationaux de rénovation urbaine qui viennent soutenir les acteurs locaux, particulièrement les collectivités territoriales et les bailleurs sociaux pour la réalisation de projets de renouvellement urbain.
Après le Programme national de rénovation urbaine (PNRU) de 2004 à 2020, le Nouveau programme national de rénovation urbaine (NPNRU) lancé en 2014 est actuellement en cours de réalisation. Au niveau national, ce sont 480 projets en métropole et outre-mer dont plus d’une centaine de projets franciliens mobilisant près de 250 maîtres d’ouvrage.
Au sein de l’ANRU, je suis en charge des sujets de développement économique, insertion et emploi en appui à la communauté du renouvellement urbain. Cela consiste, entre autres, à la mise en œuvre de la Nouvelle charte nationale d’insertion qui accompagne le deuxième programme national de rénovation urbaine (NPNRU) depuis 2014, mais également à développer la prise en compte des dimensions emploi et développement économique au sein des projets de renouvellement urbain mis en œuvre sur l’ensemble du territoire national.
Quels sont les enjeux en termes d’emploi et d’insertion pour les Quartiers Prioritaires de la Ville (QPV) ?
En 2018, l’Observatoire national de la politique de la ville estimait, entre autres, que le taux de chômage dans ces quartiers était deux fois supérieur à celui des aires urbaines environnantes, atteignant plus de 30% chez les jeunes. Les enjeux en termes d’emploi dans ces quartiers sont donc énormes.
Cette situation est le résultat de multiples facteurs dont la qualification professionnelle moins importante des habitants, les difficultés d’accès à l’emploi et à la formation plus nombreuses y compris à diplôme égal, sans compter les problématiques ayant un effet indirect comme les sujets de mobilité, la quasi-absence d’activités économiques implantées dans les quartiers, la santé et l’accès aux soins, les problématiques liées au logement, etc.
Il y a donc un enjeu à créer des opportunités d’emploi, d’insertion et de formation au cœur et à proximité des quartiers mais également à renforcer l’éducation ou la mixité sociale et fonctionnelle au sein de ces quartiers.
En quoi l’ANRU répond-elle à ces enjeux ?
L’action de l’ANRU constitue un puissant levier. En effet, les projets de renouvellement urbain intègrent de multiples dimensions, bien au-delà de la simple dimension urbaine, afin de traiter de manière transversale les dysfonctionnements sociaux et urbains des quartiers prioritaires. La dimension relative à l'insertion professionnelle des habitants est à ce titre un enjeu essentiel dans la mise en œuvre de ces projets.
Ainsi, l’ANRU a été pionnière en termes d’obligation d’intégration d’objectifs d’insertion dans le cadre de ses 2 programmes, obligation qui s’est notamment traduite par l’utilisation de la commande publique comme levier d’insertion local.
La Charte nationale d’insertion, adoptée en 2004 et adossée au premier programme national de rénovation urbaine, a entrainé une massification de la pratique constituant un héritage visible aujourd’hui par la multiplication des acteurs intégrant cette démarche dans leurs programmes.
Concrètement, cet héritage est visible dans l’existence et la pérennisation des guichets uniques territoriaux, c’est-à-dire des facilitateurs de clause sociale qui mettent en œuvre les objectifs d’insertion en lien avec l’ensemble des parties prenantes sur les territoires et qui sont les piliers locaux de la MACS (Mission d’Appui au développement des Clauses Sociales).
De plus, les projets urbains soutenus par l’ANRU constituent des supports pour l’implantation des activités économiques créatrices d’emplois accessibles aux habitants des quartiers politique de la ville (agriculture urbaine, immobilier tertiaire, activités productives, etc.) mais également pour développer des opportunités de formation à proximité des besoins et dans des filières en tension de recrutement.
Enfin, plus globalement, l’intervention globale sur le cadre de vie vise également à lever une partie des freins indirects à l’emploi par la lutte contre la péjoration et la ségrégation territoriale, l’amélioration de la mobilité, l’accès aux services publics, aux soins ou encore à une éducation de qualité.
Les enjeux sont donc multiples mais la dimension multifacette et multiscalaire des projets de renouvellement urbain soutenus par l’ANRU peut constituer une partie de la réponse.
Pouvez-vous nous parler de votre collaboration avec la MACS ?
En Île-de-France l’ANRU travaille avec la MACS en lien avec la DRIHL (Direction Régionale et Interdépartementale de l'Hébergement et du Logement) représentante de l’Agence sur le territoire francilien. Les défis sont nombreux en lien avec les objectifs d’insertion dans le cadre de la commande publique liée au NPNRU.
Tout d’abord, l’enjeu de structuration et d’harmonisation du réseau des facilitateurs de clause sociale. Avec plus de 100 professionnels en Île-de-France dont une cinquantaine concernée par le NPNRU, l’utilisation du programme national de rénovation urbaine comme levier pour des pratiques harmonisées à l’échelle de la région s'appuie sur la collaboration avec la MACS, en particulier grâce au travail de l’URTIE.
Ensuite, l’ANRU a intégré en 2023 l’Observatoire des Grands Projets franciliens (OGPF) piloté par le GIP Maximilien et composé de la SGP, SNCF Réseaux, la RATP, la SOLIDEO (Société de livraison des ouvrages olympiques) et Paris 2024. C’est un défi car contrairement aux grands donneurs d’ordre, l’ANRU n’a pas la maîtrise des achats liés au NPNRU mais se positionne surtout comme le financeur de plus de 200 maîtres d’ouvrage franciliens, notamment des bailleurs sociaux. L’enjeu d’harmonisation des pratiques et des remontées de données prend ainsi tout son sens pour être en mesure de mieux évaluer cette politique publique.
Enfin, en Île-de-France, la mise en œuvre des objectifs d’insertion liés au NPNRU est un immense défi. En effet, les grands chantiers franciliens comme les réseaux de transports, particulièrement le Grand Paris Express, ou de manière plus éphémère les chantiers liés aux JOP (Jeux olympiques et paralympiques) mettent de nombreux secteurs, notamment celui du BTP, sous tension.
Grâce à la MACS, l’ANRU s’inscrit dans les travaux régionaux pour mieux anticiper les besoins et ainsi proposer aux publics de véritables parcours d’insertion, traversant potentiellement les chantiers liés à plusieurs donneurs d’ordre et incluant des périodes de formation professionnelle ainsi qu'un accompagnement vers l’emploi durable. Cette collaboration a donc pour objectif de mieux répondre aux défis collectifs franciliens en matière d’emploi.
1 Les QPV sont les 1 500 quartiers présentant le revenu par habitant le plus bas. Ils ont été définis en 2014 par la loi Lamy dite de programmation pour la ville et la cohésion urbaine en remplacement des zones urbaines sensibles (ZUS). A ce titre, ils sont des quartiers prioritaires bénéficiant de moyens publics supplémentaires de rattrapage en sus des politiques publiques de droit commun qui s’appliquent sur l’ensemble du territoire.