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Préférence locale et achat public vert

Préférence locale et achat public vert

Contrairement à l’achat public, le feu n’est pas encore vert pour la prise en compte de la préférence locale.

La prise en compte du local dans la commande publique est un authentique marronnier tant la question revient fréquemment dans les discussions juridiques ou encore au Parlement à l’occasion des questions au gouvernement.

Le caractère discriminatoire de la préférence locale

L’inclusion d’une préférence locale dans la commande publique est par principe interdite car contraire au principe de libre accès et découlant notamment du principe de non-discrimination posé le droit de l’Union Européenne aux articles 18 du TFUE, 2 du TUE ou encore au point 90 de la directive marché de 2014.

Ainsi, le juge de la Cour de justice de l’UE a pu estimer que le critère géographique selon lequel, dans le cadre d’un marché de service de prestations de santé, les hôpitaux privés devaient se situer dans la municipalité donnée pour l’exécution du contrat, comportait une exclusion automatique de soumissionnaires.

En interne, le Conseil d’Etat (CE) tranche qu’un critère de sélection uniquement relatif aux frais de déplacement était de nature à « favoriser les candidats les plus proches et restreindre la possibilité pour les candidats les plus éloignés d’être retenus par le pouvoir adjudicateur ».

Les stratégies de contournements admises

D’une part, la Loi dite EGALIM de 2018 a consacré les circuits courts (réduction du nombre d’intermédiaires) et les circuits de proximité (favorisation d’une plus courte distance géographique). Si le circuit de proximité n’est pas envisageable car il serait qualifié de critère géographique, nous pourrions en revanche imaginer des stipulations visant à réduire le nombre d’intermédiaires dans la fourniture de produits agricoles par exemple. Dans la même veine, exiger fraîcheur et saisonnalité des produits est possible (Voir en ce sens QAG).

Il est aussi possible d’émettre un critère de sélection se fondant sur le bilan carbone des entreprises. 

 

Contrairement au bilan carbone il est difficile de recourir aux clauses dites « Molières » qui imposent la maîtrise du Français pour tout le personnel employé par le titulaire d’un marché et aux clauses « d’interprétariat » qui imposent le recours à un interprète aux entreprises dont des employés ne maîtriseraient pas le Français. La jurisprudence, actuellement lapidaire ne semble pas être tout à fait arrêtée. En effet, la Cour administrative d’appel de Lyon a validé l’annulation de la délibération approuvant un dispositif qui prévoyait l’insertion d’une « clause de la langue française » ou d’une « clause d’interprétariat » dans les marchés de travaux de la région Auvergne-Rhône-Alpes. A contrario, le Conseil d’Etat a admis les clauses d’interprétariat en avançant des raisons de sécurité et donc d’intérêt général.

Un jeu d’équilibriste pour des acheteurs dans l’attente d’un arbitrage clair

Les acheteurs se retrouvent souvent sur le fil du rasoir. En effet, c’est par exemple le cas lorsqu’ils souhaitent insérer des clauses environnementales dans leur marché telles que par exemple une stipulation visant la limitation des émanations polluantes. Ils doivent en priorité respecter le principe de liberté d’accès à la commande publique, mais dans le cas précité, les entreprises locales se trouvent potentiellement favorisées.

Par conséquent le principe de liberté d’accès semble être antinomique avec des stipulations environnementales trop précises ou trop contraignantes. Ainsi, la « stipulation verte » doit obligatoirement être en lien avec l’objet du marché.

 

Par exemple, imaginons la situation d’un acheteur soumis au Code de la commande publique crée aux fins de promouvoir l’esthétique architecturale bretonne. Aux fins de réaliser cette mission des évènements sont organisés tels que des expositions, des visites culturelles, des actions de communications etc. L’acheteur en question sera confronté à une difficulté juridique dans l’hypothèse où il souhaiterait la construction d’un bâtiment pour accueillir ces activités. Il ne pourra pas stipuler dans son cahier des charges un critère géographique alors même que son objet est de mettre en avant une esthétique locale. Le problème est d’autant plus complexe s’il s’agit de faire prévaloir une démarche environnementale qui peut entrer très directement en conflit avec le fait de laisser ouverte la possibilité de faire intervenir des entreprises éloignées susceptibles d’avoir un fort impact carbone.

 

Il y a lieu de penser que la jurisprudence (européenne ou française) finira par établir un équilibre clair. Le pouvoir règlementaire accompagnera également les acheteurs dans cette démarche de conciliation entre les exigences croissantes de prise en compte de l’environnement et le respect de la liberté d’accès à la commande publique.